Une "chanson de la semaine" un peu particulière ! D'abord, parce qu'au lieu d'un morceau nous en avons deux. Deuxièmement, parce que ces deux chansons sont les deux seules que l'on connaisse du mystérieux Jonathan Halper, à propos duquel personne ne sait rien. Troisièmement, parce qu'on ne connaît ces chansons que grâce au court-métrage inachevé Puce Moment du tout aussi mystérieux Kenneth Anger. Par où commencer, donc ? Peut-être par ce dernier point puisque, après tout, il n'y a qu'à ce sujet que l'on possède quelques informations fiables. Les six minutes que nous pouvons voir aujourd'hui du film Puce Moment sont en réalité la seule séquence qui ait été tournée, en 1949, d'un projet de film originellement intitulé Puce women par Kenneth Anger. Le film se voulait un étrange hommage aux actrices hollywoodiennes du cinéma muet des années 1920. Il devait suivre un certain nombre de ces actrices dans leur quotidien, leur lieu de vie. Sous la caméra d'Anger, le tout prend une étrange tournure cependant, que résume ce commentaire du réalisateur : "I was, in effect, filming ghosts". Voilà qui éclaire un peu cette étrange séquence, rebaptisée Puce Moment, en 1966, et qui met en scène l'actrice Yvonne Marquis. Que dire, autrement, de ce réalisateur ? Un drôle de type, assurément, avec une étrange trajectoire. Aujourd'hui, on le présente à la fois comme un cinéaste gay (son premier film, Fireworks, met en scène un univers un peu à la Jean Genet), un chroniqueur trash de l'envers du décor hollywoodien, un illuminé mystique ouvertement sataniste (!) mais aussi une des figures majeures du cinéma expérimental américain des années 1950-1960, ami de Jean Cocteau mais aussi des Rolling Stones, de Marianne Faithfull ou de Jimmy Page. Des réalisateurs aussi différents que Martin Scorcese ou David Lynch (le personnage joué par Isabella Rosselini dans Blue Velvet me fait un peu penser à Yvonne Marquis dans Puce Moment) revendiquent aujourd'hui son influence.
Mais revenons à la musique, puisque c'est ici l'essentiel. Pour être franc, le film Puce Moment est intéressant à voir mais je n'en parlerais pas ici sans la bande son que lui adjoint Anger en 1966. A ce sujet, c'est le mystère le plus complet. Pourquoi l'a-t-il ajoutée à son film (il faut avouer que l'accord des images et du son n'est pas forcément évident) ? Où Anger a-t-il déniché cette musique ? Qui est ce Jonathan Halper ? Est-ce seulement son vrai nom ou bien quelqu'un d'autre se cache-t-il derrière ces deux chansons ? Une chose est sûre : on ne connaît aucune autre musique de ce dénommé Halper. Dès lors, depuis 1966, la légende va bon train : on aime imaginer une sorte de génie éphémère, livrant deux morceaux de folk définitifs puis disparaissant dans une solitude d'ermite comme le suggère le titre de ses deux morceaux : "leaving my old life behind" et "i am a hermit". Laissons-là toutes ces spéculations. Il reste deux très belles chansons dont on a raison de souligner le caractère précurseur. Pour s'en convaincre, écoutez ces deux morceaux et rappelez-vous que nous ne sommes qu'en 1966, soit un an avant la sortie du fameux album à la banane du Velvet Underground et les premières chansons de Syd Barrett pour le fameux The Piper at the gates of dawn des Pink Floyd (quoique chacun de ces deux groupes célèbres se soient formés et aient commencé à se faire connaître dès les années 1965-66). Voilà le compagnonnage dans lequel il faut inscrire Halper et, le moins que l'on puisse dire, est qu'il est plutôt prestigieux ! Pourtant, sans cette unique séquence du film Puce Moment que sublime cette musique, jamais nous n'aurions pu écouter ces chansons aujourd'hui (aucune sortie en disque, à ma connaissance). Aujourd'hui, c'est un secret bien gardé qu'on se chuchote à l'oreille avec des airs émerveillés, la rareté et la légende entourant ces chansons leur ayant conféré, avec le temps, les allures d'un trésor découvert par miracle. Partageons-le donc avec des airs intrigués et la gravité qui sied à un tel moment !
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